Maîtriser l’orientation stratégique du CSE : enjeux, processus et leviers d’impact #
Décrypter la notion d’orientation stratégique en CSE : cadre et portée #
L’orientation stratégique, telle que définie par la jurisprudence et les pratiques issues du dialogue social, regroupe l’ensemble des choix déterminant la trajectoire de long terme d’une entreprise. Les textes de référence (notamment le Code du travail, article L. 2312-24) exigent que la direction expose au CSE la vision prospective de l’organisation : création et répartition de la valeur, plans d’investissement et d’innovation, positionnement concurrentiel, arbitrages sur l’emploi et anticipation des mutations du marché du travail.
La dimension systémique et globale des orientations stratégiques s’étend aujourd’hui à tous les pans de l’activité : digitalisation accélérée, transitions environnementales, mobilité internationale, évolution des métiers. En 2025, des groupes tels que Sodexo, leader des services de qualité de vie, ou Schneider Electric, spécialiste mondial en gestion de l’énergie, structurent leur stratégie autour de plans pluriannuels intégrant l’impact social, environnemental, économique et territorial. Cette approche impose au CSE une veille élargie sur :
- La pérennité de l’activité, notamment via le suivi des grands projets de transformation et de leur financement
- L’évolution de la politique d’emploi (recrutements, plans de départs, adaptation des compétences)
- La gestion proactive des risques associés à la sous-traitance, à l’automatisation ou à la délocalisation
- La redéfinition du collectif de travail touchant à l’organisation, la mobilité interne et l’agilité managériale
Un CSE informé, formé et impliqué, peut ainsi devenir le garant de l’équilibre entre performance durable et responsabilité sociale.
Consultation stratégique annuelle : une procédure réglementée et évolutive #
Chaque année, la consultation sur les orientations stratégiques constitue un temps fort du dialogue social. Depuis la loi Rebsamen de 2015, renforcée par les ordonnances de 2017, cette consultation s’appuie sur des règles précises :
- Transmission d’une documentation détaillée via la BDESE (Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales), obligatoire au sein de toutes les entreprises de plus de 50 salariés
- Réalisation d’un rapport sur les grandes évolutions envisagées à trois ans, couvrant à la fois les axes financiers, RH, industriels, commerciaux et RSE
- Saisine d’un expert-comptable inscrit à l’Ordre (notamment les cabinets Sextant, 3E Conseil ou Soxia) sur demande du CSE, pour un décryptage indépendant des données présentées
Nous participons ainsi à une discussion argumentée, lors de laquelle la direction expose ses hypothèses, et où le CSE analyse, questionne et propose. Par exemple, en 2024, L’Oréal, groupe cosmétique mondial basé en Île-de-France, a soumis à son CSE des orientations axées sur la cosmétique durable, l’intégration de nouvelles technologies IA et la réorganisation logistique, illustrant la nécessité de préparer en amont cette échéance critique.
L’avis du CSE sur les orientations stratégiques : ressorts, influence et portée #
L’expression d’un avis motivé par le CSE s’inscrit dans une logique d’interpellation constructive. Selon l’article L. 2312-24 du Code du travail, cet avis doit :
- Être formalisé par écrit et remis aux organes dirigeants (Conseil d’administration ou de surveillance)
- Comporter une analyse des conséquences pour l’emploi, les compétences, la formation, les conditions de travail, l’organisation opérationnelle
- Pouvoir comporter des propositions alternatives crédibles, en s’appuyant sur les données objectives et retours d’expérience
À titre d’exemple, lors de la restructuration de Renault Group, constructeur automobile à Boulogne-Billancourt, le CSE central a proposé un plan alternatif à la fermeture d’un site en 2023, en s’appuyant sur une expertise économique indépendante. Ce type de mobilisation génère un dialogue exigeant, qui peut conduire à l’ajustement ou la révision des décisions stratégiques initiales.
Aucun avis n’est juridiquement contraignant pour l’employeur, mais sa transmission est rigoureusement encadrée : le Conseil d’administration doit acter et motiver la prise en compte, ou le rejet, des arguments portés par le CSE. Cette procédure conduit souvent les grandes entreprises telles que BNP Paribas ou Engie à intensifier le dialogue sur les axes d’investissement, de digitalisation ou de réorganisation de l’offre, sous l’œil attentif des représentants du personnel.
Le CSE acteur de la stratégie d’entreprise : leviers d’action et bonnes pratiques #
Pour devenir un acteur de la stratégie, nous mobilisons des outils d’analyse et des postures constructives. La montée en compétence sur les enjeux organisationnels et financiers, l’anticipation des ruptures sectorielles et la formulation de propositions alternatives fondées constituent nos principaux leviers.
- Décodage des hypothèses économiques présentées par la direction, avec confrontation aux données sectorielles
- Veille concurrentielle structurée, comme le font les CSE chez Airbus Group ou Sopra Steria, appuyés par des abonnements à des bases de marché, rapports OCDE ou INSEE
- Formulation argumentée de propositions : lors du plan stratégique Cap 2030 d’EDF, le CSE a suggéré un renforcement de la formation sur le numérique et l’intégration accrue de contrats d’alternance
- Suivi des engagements pris par la direction, incluant des bilans annuels de mise en œuvre, à l’image du reporting social détaillé chez Orange (secteur télécoms), où la traçabilité des mesures décidées est garantie
Seule une action proactive, documentée et collective permet de peser réellement sur le choix stratégiques et sur la trajectoire de l’entreprise.
Conséquences sur le collectif de travail et rapport au progrès social #
Les axes stratégiques retenus impactent directement le quotidien des équipes, la stabilité de l’emploi ou l’évolution des compétences individuelles. Les grandes réorganisations opérées chez Carrefour, lors de la digitalisation des process ou de la rationalisation logistique en 2023, se sont traduites par :
- Adaptation des effectifs à travers plans de départs ou embauches dans des métiers clés, en réponse aux nouvelles organisations du travail
- Plan de formation massif pour accompagner le passage au e-commerce et maintenir l’employabilité
- Modification du reporting social pour mesurer l’effet des orientations sur la santé, la pénibilité, la mobilité interne
Votre vigilance en tant que CSE doit s’exercer sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), la transparence des scénarios de transformation – tels que vécus chez Veolia, groupe environnemental basé à Paris – et le suivi des engagements. La montée du télétravail, la robotisation ou la transition bas-carbone, plébiscitée lors de la COP 28 à Dubaï en 2023, exigent anticipation et adaptation permanente.
Cette implication sur le progrès social s’illustre par l’élaboration de dispositifs d’accompagnement (reconversion, formation continue certifiante, mobilité interne pilotée) et par la capacité à négocier des accords spécifiques avec des syndicats représentatifs tels que la CFDT ou la CFE-CGC.
Vers une implication renouvelée : renforcer la légitimité et l’impact du CSE #
Pour gagner en légitimité et impact, nos élus doivent répondre aux défis d’aujourd’hui : intensification des mutations technologiques, internationalisation accélérée, injonctions de transformation durable. Nous observons chez Dassault Systèmes, pionnier français du logiciel de conception industrielle, une professionnalisation du dialogue social, portée par :
- Formations pluridisciplinaires, suivies en partenariat avec l’Institut du Travail de Strasbourg, alliant vision juridique, financière et managériale
- Mobilisation d’experts externes lors des projets de cotation en bourse ou de joint-venture transnationale
- Usage renforcé de la BDESE pour un contrôle précis des grands indicateurs partagés
- Dialogue exigeant avec les directions, basé sur la transparence et la pertinence des arguments
La capacité à pratiquer un dialogue social innovant, en s’inspirant des démarches expérimentées lors du Congrès HR 2024 à Paris, accroît notre crédibilité auprès des organes décisionnaires. Le CSE qui maîtrise l’analyse stratégique, s’appuie sur des données robustes et anticipe les mutations, s’impose alors comme un partenaire incontournable.
Nous pensons qu’une implication proactive, structurée, appuyée sur l’expertise et l’accompagnement des mutations sociales, représente aujourd’hui la clef pour sécuriser la trajectoire collective et garantir à la fois la compétitivité et la justice sociale dans l’entreprise. Un engagement renouvelé du CSE, solidement ancré dans la réalité économique, sociale et environnementale, façonne durablement la qualité du dialogue social et la performance globale.
Plan de l'article
- Maîtriser l’orientation stratégique du CSE : enjeux, processus et leviers d’impact
- Décrypter la notion d’orientation stratégique en CSE : cadre et portée
- Consultation stratégique annuelle : une procédure réglementée et évolutive
- L’avis du CSE sur les orientations stratégiques : ressorts, influence et portée
- Le CSE acteur de la stratégie d’entreprise : leviers d’action et bonnes pratiques
- Conséquences sur le collectif de travail et rapport au progrès social
- Vers une implication renouvelée : renforcer la légitimité et l’impact du CSE