NAO La Poste 2025 : Enjeux, négociations et perspectives pour les salariés

NAO La Poste 2025 : Enjeux, négociations et perspectives pour les salariés #

Analyse des propositions salariales et mesures annexes lors des NAO 2025 #

Lors de cette session 2025, la direction du Groupe La Poste a présenté un ensemble de mesures jugées particulièrement restrictives par les représentants des salariés. Les premières propositions se sont limitées à une augmentation de 0,6 % de la valeur du point pour les Classes I et II, sachant que ces catégories regroupent les agents de base et employés d’exécution. Pour les Classes III et IV (encadrement et cadres supérieurs), aucune augmentation générale initialement n’était prévue, ce qui a provoqué immédiatement une vague d’insatisfaction et des critiques très vives de toutes les organisations syndicales représentatives.

  • Seules quelques primes spécifiques, dont la « prime vie chère » réclamée de longue date à Mayotte, ont été intégrées au périmètre de négociation, mais sans extension généralisée aux autres territoires d’outre-mer ou à la Corse.
  • Les revendications sur l’indemnité transport (ITVP), très attendues par les personnels utilisant leur véhicule personnel, n’ont pas trouvé d’écho favorable dans les propositions directionnelles de cette année.
  • Les dispositifs annexes, tels que l’aide à la restauration ou l’ajustement des titres-restaurants, restent absents des accords, alors même que la conjoncture alimente l’attente d’un soutien accru pour les coûts du quotidien.

Les représentants syndicaux dénoncent ainsi la faiblesse du volet salarial 2025, en contraste avec les attentes exprimées lors de la consultation nationale initiée par la CGT, qui a recueilli un très fort plébiscite pour des hausses généralisées, non sélectives et la prise en compte réelle de l’inflation. Du côté de FO, la confrontation avec les résultats 2024 (3,5 % d’augmentation pour Classes I et II), met en lumière une forte régression, surtout quand la direction ne propose pour la deuxième session que 0,9 % pour les Classes I et II et 0,3 % pour la Classe III, maintenant le statu quo pour la Classe IV.

  • En 2023, la prime d’intéressement avait permis de compenser partiellement la stabilité des salaires, mais en 2025, ce levier paraît insuffisant selon les syndicats.

Contexte économique du Groupe La Poste et justification des choix de la direction #

La direction s’appuie sur un contexte macroéconomique jugé défavorable pour justifier la sobriété de ses propositions. Les arguments avancés reposent sur trois axes majeurs :

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  • Faible inflation : affichée à 1,17 % (hors tabac) pour 2025, l’inflation sert de base à la limitation des revalorisations, la direction considérant que le maintien du pouvoir d’achat global est préservé.
  • Baisse continue du trafic courrier, de l’ordre de -10 %, affectant sévèrement les revenus traditionnels du groupe. Cette baisse structurelle, amorcée depuis plusieurs exercices, est invoquée pour justifier l’impossibilité de dégager des marges de manœuvre suffisantes pour des augmentations conséquentes.
  • Hausse persistante de la dette nette : la direction évoque une situation financière sous pression, aggravée par la transition numérique, la contraction du marché postal et la nécessité d’investissements lourds dans la modernisation du réseau.

Face à cet argumentaire, les syndicats, dont FO et CGT, relèvent la part automatique et presque mécanique des justifications économiques. Ils rappellent que la vente de certains actifs stratégiques, comme La Poste Mobile à Bouygues Télécom, a généré un flux financier non négligeable, relativisant l’état d’urgence budgétaire invoqué.

Nous considérons que la direction manque de transparence sur la réalité des équilibres financiers et que les critères avancés sont partiels, d’autant que la dynamique de la dette et du trafic est comparable à celle de 2022-2023, période où des hausses significatives avaient été accordées. Cette lecture sélective du contexte économique accentue le fossé de perception avec les personnels.

Mobilisation sociale et stratégies syndicales face aux NAO 2025 #

L’insuffisance des propositions directionnelles a déclenché une mobilisation syndicale généralisée. Dès les premières séances de négociation, les principales organisations ont mis en place une série de journées d’action, combinant grèves locales et moments forts d’expression collective sur les sites majeurs du Groupe.

  • La CGT a organisé une consultation nationale en ligne, mobilisant plusieurs milliers de salariés pour affiner les revendications prioritaires : rattrapage de l’inflation, revalorisation uniforme, dispositif d’indemnité transport élargi.
  • FO et la CFDT ont multiplié les interventions pour exiger la reconduction ou la hausse de mesures annexes (chèques CESU, crèches inter-entreprises, revalorisation du panier-repas), dénonçant l’immobilisme directionnel.
  • Des collectifs locaux, tels que ceux de Mayotte ou de la Réunion, ont insisté sur l’application effective de la prime vie chère et la reconnaissance des spécificités territoriales.

Nous recensons des formes de solidarité inter-catégorielle inédites, des cadres aux agents de première ligne, dans le refus commun de la discrimination salariale et l’exigence d’une équité tangible. Les revendications portent également sur la justice dans l’accès aux dispositifs sociaux, en particulier pour les familles monoparentales, les agents à temps partiel et les effectifs en zone rurale.

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La dimension revendicative s’ancre dans une volonté de reconnaissance du travail réel et d’ajustement des dispositifs de partage de la valeur, alors que les marges de manœuvre octroyées par la transformation numérique du métier ne sont pas accompagnées de contreparties suffisantes.

Répercussions des NAO 2025 sur l’attractivité et le climat social chez La Poste #

Les mesures NAO 2025, si elles confirment leur faible ampleur, risquent de fragiliser l’attractivité du Groupe La Poste sur un marché de l’emploi tendu. Nous observons une montée des frustrations auprès de segments variés, en particulier chez les jeunes agents et les personnels expérimentés à l’ancienneté élevée non valorisée.

  • Le climat social interne montre déjà des signes de crispation, marqués par une hausse de l’absentéisme, la démotivation et des velléités de départ, en particulier sur les métiers les plus exposés à la pénibilité.
  • L’écart entre la communication institutionnelle, axée sur la transformation et la modernisation du service postal, et la réalité des conditions de travail sur le terrain alimente un sentiment de décalage, particulièrement perceptible dans les bureaux en zones rurales ou périurbaines.
  • L’absence d’ajustements sur la fidélisation des effectifs, sous forme de dispositifs attractifs (mutuelle, épargne salariale, évolution de carrière accélérée), est vécue comme un manque d’anticipation par les syndicats.

Émergent aussi des réactions plus nuancées : certains cadres, conscients de la conjoncture sectorielle et du ralentissement de l’activité, voient d’un œil pragmatique la retenue salariale, mais la majorité exprime une attente de reconnaissance plus marquée, traduite par une politique de primes mieux ciblées ou une participation accrue aux dispositifs actionnariaux.

Notre analyse montre que la capacité du Groupe à garder son attractivité dépendra fortement de la réactivité du management à restaurer un climat social basé sur la confiance et la réciprocité.

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Perspectives d’évolution du dialogue social et des NAO chez La Poste #

Les NAO 2025 mettent en exergue la nécessité de rénover le dialogue social chez La Poste. Parmi les enseignements à tirer, la première priorité reste la transparence des critères économiques utilisés dans la négociation et la meilleure prise en compte des retours terrain, au-delà des simulations macroéconomiques.

  • Favoriser la concertation permanente via des plateformes numériques, associant un panel représentatif de salariés, permettrait de mieux anticiper les attentes et de co-construire des dispositifs innovants, adaptés aux réalités de chaque entité territoriale.
  • Expérimenter la négociation participative, où les agents pourraient s’exprimer directement, renforcerait la légitimité des accords et leur acceptabilité sur le terrain.
  • Une orientation vers la modulation salariale tenant compte des parcours professionnels (mobilité interne, reconversion, polyvalence) semble indispensable pour répondre à la diversification accélérée des métiers postaux.

Nous estimons que la future NAO devra intégrer l’impact de la digitalisation sur la charge de travail et la reconversion professionnelle, articuler la question salariale à celle de la QVT (Qualité de Vie au Travail) et garantir l’égalité d’accès aux dispositifs sociaux, sans discrimination territoriale, statutaire ou genrée.

Problème identifié en 2025 Piste d’évolution concrète
Faible revalorisation salariale pour la majorité des agents Ajuster la politique de hausse selon l’ancienneté et la spécialisation métier
Disparités territoriales mal compensées Instaurer une prime régionale évolutive indexée sur le coût de la vie local
Dialogue social perçu comme un simulacre Impliquer davantage les collectifs de terrain dans les phases d’élaboration des accords
Perte d’attractivité et de fidélisation Lancer un plan de rétention des talents combinant mobilité, formation et rémunération incitative

L’avenir du dialogue social chez La Poste passe donc par une évolution des pratiques de négociation, intégrant la diversité des situations professionnelles et territoriales, et par une volonté partagée de faire des NAO un levier de progrès social, non un simple exercice comptable.

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